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LA PRINCESSE CHARLOTTE

qui, apparemment, lui inspira quelque intérêt car elle en parut entièrement absorbée.

Les efforts du prince pour lui faire distribuer ses politesses un peu plus également restèrent complètement infructueux. Chacun attendait avec impatience l’heure du départ. Enfin on annonça les voitures et nous partîmes, aussi légèrement congédiés que nous avions été accueillis. Quant à moi, je n’avais pas même reçu un signe de tête lorsque ma mère m’avait présentée à la princesse.

En montant en voiture, je dis : « J’ai voulu voir, j’ai vu. Mais j’en ai plus qu’assez. » Ma mère m’assura que la princesse était ordinairement plus polie ; je dus convenir que l’agitation du prince en faisait foi.

Probablement il lui reprocha sa maussaderie ; car, peu de jours après, lorsque nous méditions, à regret, notre visite de remerciements de l’obligeant accueil qu’elle nous avait fait, nous reçûmes une nouvelle invitation.

Cette fois, la princesse fit mille frais ; elle distribua ses grâces plus également entre les convives ; cependant les préférences furent pour nous. Elle nous retint jusqu’à minuit, causant familièrement de tout et de tout le monde, de la France et de l’Angleterre, de la réception des Orléans à Paris, de leurs rapports avec les Tuileries, des siens avec Windsor, des façons de la vieille Reine, de cette étiquette qui lui était insupportable, de l’ennui qui l’attendait lorsqu’il faudrait enfin avouer sa maison de Londres prête et aller y passer quelques mois.

Ma mère lui fit remarquer qu’elle serait bien mieux logée que dans l’hôtel où elle avait été au moment de son mariage :

« C’est vrai ; dit-elle ; mais, quand on est aussi parfaitement heureuse que moi, on craint tous les changements, même pour être mieux. »

La pauvre princesse comptait pourtant bien sur ce