Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/238

Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
HISTOIRE INVENTÉE SUR MA MÈRE

d’Orléans, que l’impartialité de l’ambassadeur fût reconnue. Cette accusation tomba comme tant d’autres. Il n’y en avait pas de moins fondée, car, si monsieur le duc d’Orléans avait voulu lier quelque intrigue à cette époque en Angleterre, il aurait trouvé mon père très peu disposé à lui montrer la moindre indulgence.

Pendant le peu de jours que monsieur le duc d’Orléans passa à Paris, il vint deux fois chez moi. Quelque honorée que je fusse de ces visites, je craignais qu’elles ne fissent renouveler les propos de l’hiver, mais cela était usé.

La malveillance excitée au plus haut point par le succès obtenu par mon frère auprès de la jeune héritière, courtisée par beaucoup et enviée par tous, avait trouvé un autre texte.

Pensant probablement que la situation de mon père avait influé sur ce mariage, on raconta qu’à la suite d’une espèce d’orgie où ma mère s’était grisée avec le prince régent, il avait voulu prendre des libertés auxquelles elle avait répondu par un soufflet, que les autres femmes s’étaient levées de table, que le prince s’était plaint à notre Cour, que depuis ce temps mon père et ma mère n’étaient point sortis de chez eux et qu’ils allaient être remplacés à Londres.

Cette charmante anecdote, inventée et colportée à Paris, fut renvoyée à Londres. Quelques gazettes anglaises y firent allusion et il y eut recrudescence de cabale à Paris. Tous mes excellents amis venaient à tour de rôle me demander ce qui en était au juste… sur quoi l’histoire était fondée… quel était le canevas sur lequel on avait brodé, etc. ; et, lorsque je répondais, conformément à la plus exacte vérité, qu’il n’y avait jamais eu que des politesses, des obligeances et des respects échangés entre le prince et ma mère et que rien n’avait pu donner lieu