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MARIAGE DE MON FRÈRE

recours à elle pour réparer ses gaucheries, mais elle la gênait : elle n’avait pas de confiance en elle et, à proportion que sa conduite est devenue plus légère, elle s’en est éloignée davantage.

Je ne comptais rester que peu de semaines à Paris ; un événement de famille m’y retint plus longtemps que je n’avais présumé. J’avais trouvé mon frère en grande coquetterie avec mademoiselle Destillières. Nous l’avions connue dans sa très petite enfance. Elle était ravissante et ma mère en raffolait. Il paraît que, dès lors, elle disait ne vouloir épouser que monsieur d’Osmond.

La mort de ses parents l’avait laissée héritière d’une immense fortune et maîtresse de son sort. Sa main était demandée par les premiers partis de France, et mon frère ne songeait point à se mettre sur les rangs ; mais elle lui fit de telles avances qu’il en devint sincèrement épris et s’engagea, quoique avec réticence, dans le bataillon des prétendants. Elle ne l’y laissa pas longuement dans la foule. Au bout de peu de temps, elle l’autorisa à charger mon père de la demander en mariage, pour la forme, à son oncle qui était son tuteur mais dont elle ne dépendait en aucune façon.

Cet oncle s’était accoutumé à l’idée qu’elle resterait fille et qu’il continuerait à disposer de sa fortune. Ce sort lui paraissait assez doux pour en souhaiter la prolongation indéfinie. Ainsi, loin de combattre les répugnances de mademoiselle Destillières à accepter les partis qu’on lui avait jusqu’alors proposés, il cherchait à les accroître en lui faisant insinuer, par des personnes à sa dévotion, que sa santé, très délicate, lui rendait le célibat nécessaire.

Lors donc que la lettre officielle de mon père lui fut remise, par un ami commun, monsieur de Bongard articula très poliment un refus absolu et alla rendre compte