Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

de leur société. Rien n’était plus naturel. Mais, lorsque l’hiver avait ramené le monde et les assemblées nombreuses, elles avaient eu la prétention d’y transporter leurs nouvelles habitudes. Elles arrivaient ensemble, s’établissaient en rond dans un salon, entourées de quelques hommes admis à leur familiarité, et ne communiquaient plus avec les vulgaires mortels.

On me fit de grandes avances pour entrer dans ce sanhédrin, composé de mes relations les plus habituelles. Non seulement je m’y refusai, mais je m’y déclarai hostile ouvertement et en face. Mon argument principal pour le combattre (et je pouvais le soutenir sans offenser) était que cette coalition enlevait à la société les personnes les plus faites pour la parer et la rendre aimable.

Petit à petit les hommes de quelque distinction se retirèrent du château qui fut pris en haine par tout ce qui n’en faisait pas partie. Quelques dames s’obstinèrent encore un peu de temps à le soutenir, mais il se démolit graduellement. Toutes en étaient déjà bien ennuyées lorsqu’elles y renoncèrent.

L’exclusif a quelque chose d’insociable qui ne réussira jamais en France, pas plus pour les jeunes femmes que pour les savants ou les gens de lettres, encore moins pour les hommes politiques.

Madame de Duras s’était placée vis-à-vis du château dans la même position que moi. Elle s’en tenait en dehors, quoique personnellement liée avec tout ce qui le composait. Le duc de Duras n’étant plus de service, elle avait quitté les Tuileries.

J’allais toujours beaucoup chez elle, mais moins journellement. Elle logeait dans la rue de Varenne et la distance m’arrêtait quelquefois. J’y trouvais aussi une opposition assez vive au ministère pour me gêner.

Les mécomptes de monsieur de Chateaubriand s’étaient