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LE COLONEL POTIER

n’étaient pas assez belles et n’avaient pas l’air suffisamment militaire. Un beau matin ils les assemblèrent, firent sortir des rangs ceux d’entre eux qui n’atteignaient pas une taille fixée et les avertirent qu’ils ne faisaient plus partie du corps. Le hasard fit que cette réforme tomba principalement sur des gardes ayant fait le service à Gand. On leur donna, à la vérité, un brevet à la suite d’une armée encombrée d’officiers. Ils devaient aller en solliciter l’exécution dans des bureaux qui ne leur étaient nullement favorables, et les commis leur tenaient peu compte de la campagne à Gand qu’ils appelaient le voyage sentimental.

Une circonstance particulière donna lieu à beaucoup de clabauderie. Le colonel Pothier, voulant se marier, demanda, suivant l’usage, l’agrément du ministre de la guerre. Au bout de quelques jours, on lui répondit qu’il ne pouvait pas se marier, attendu qu’il était mort. Fort étonné de cette révélation, il sortait pour aller aux informations lorsqu’il vit entrer chez lui le comte Alexandre de Girardin qui lui présenta, de la façon la plus obligeante, des lettres de grâce. Le colonel fut indigné et s’emporta vivement.

Pendant les Cent-Jours, il avait été retrouver le Roi à Gand. Monsieur de Girardin, qui commandait dans le département du Nord pour l’Empereur, avait présidé un conseil de guerre qui condamnait le colonel Pothier et une douzaine d’autres officiers à mort, pour désertion à l’étranger. Il avait oublié cet incident que, dans la rapidité des événements, les parties les plus intéressées avaient elles-mêmes ignoré.

Monsieur de Girardin devait à son talent incontestable pour organiser les équipages de chasse une existence toute de faveur, et inébranlable par aucune circonstance politique, auprès des princes de la Restauration.