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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

arrivant à la fin de décembre 1816, je me trouvai en ménage avec lui. Il me prévint que les opinions ultras avaient redoublé de violence, depuis l’ordonnance du 5 septembre. J’en eus la preuve quelques instants après. La vicomtesse d’Osmond, ma tante, arriva chez moi ; je la savais le type du parti émigré de Paris, comme son mari l’était du parti émigré des gentilshommes de province.

J’évitai soigneusement tout ce qui pouvait engager une discussion ; mais, croyant rester sur un terrain neutre, je m’avisai de vanter un écrit de monsieur Guizot que j’avais lu en route et qui se trouvait sur ma table. Il était dans les termes de la plus grande modération et sur des questions de pure théorie. La vicomtesse s’enflamma sur-le-champ.

« Quoi ! le pamphlet de cet affreux monsieur Guizot ? Il n’est pas possible, chère petite, que vous approuviez une pareille horreur ! »

Mon frère témoigna son étonnement de la manière dont elle en parlait. Il n’avait pas lu la brochure, mais il avait entendu monsieur le duc d’Angoulême en faire grand éloge.

« Monsieur le duc d’Angoulême ! Ah ! je le crois bien ! peut-être même ne l’a-t-il pas trouvée assez jacobine, assez insultante pour les royalistes… »

Et, s’échauffant dans son harnois, elle finit par déclarer le livre atroce et son auteur pendable. Quant aux lecteurs bénévoles, ils lui paraissaient également odieux.

Je vis que Rainulphe m’avait bien renseignée. Les folies étaient encore grandies pendant mon absence.

Je me tins pour avertie ; mais mes soins pour éviter des discussions, dont je reconnaissais la complète inutilité, avec un parti où les personnalités insultantes arrivent