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MON RETOUR À PARIS

témoignant de l’intention de libérer le sol, assurerait mieux la sécurité de l’armée contre le mauvais vouloir du pays que ne pourrait faire l’entrée de nouveaux bataillons.

Le duc ne voulait pas admettre ces arguments auxquels le ministre anglais se montrait moins récalcitrant. Il vint exprès à Londres pour s’en expliquer. Il établit surtout qu’en diminuant le contingent anglais on laisserait trop d’importance relative aux troupes des autres nations, qu’il lui serait difficile alors de conserver sa suprématie et d’empêcher les abus qui, en exaspérant les habitants, rendraient le danger plus imminent.

Le cabinet russe était disposé à se prêter à toutes les facilités qu’on voudrait nous accorder, mais ceux de Vienne et surtout de Berlin se montraient très récalcitrants. Il fallait d’ailleurs s’entendre entre soi et, lorsqu’on fait la conversation à six cents lieues de distance, les conclusions sont longues à arriver. On en vint cependant à peu près à ce résultat que la libération du territoire s’effectuerait en proportion de l’argent préalablement payé.

Maintenant où trouver l’argent ? C’était un second point également difficile à résoudre. Il était impossible de l’enlever directement aux contribuables sans ruiner le pays, et, depuis cinquante ans, la France n’avait pas de crédit. Comment le créer, et l’exploiter tout à la fois, dans un moment de crise et de détresse ? Cette position occupait les veilles du cabinet Richelieu ; mon père s’associait à ses inquiétudes et à ses agitations avec un entier dévouement.

Tel était l’état politique de la situation lorsque je me décidai à venir passer quelques semaines à Paris. Mon frère y était retenu par son service auprès de monsieur le duc d’Angoulême. Il logeait chez moi, de façon qu’en