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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

monsieur Macdonald. Mademoiselle Campbell avait été fiancée à un jeune officier tué à la bataille de Waterloo. L’hiver suivant, elle était venue chercher à Paris des distractions à son chagrin. Elle y trouva monsieur de Polignac ; il réussit à lui plaire, et obtint la promesse de sa main. Mais cela ne suffisait pas ; miss Campbell était protestante. Une pareille union aurait dérangé l’avenir de Jules ; il fallait donc obtenir d’elle de se faire catholique. C’était pour travailler à cette abjuration, et l’instruire dans les dogmes qu’elle consentait à adopter qu’il avait transporté son séjour à Londres. Pendant ce temps, il vivait à l’ambassade dans la même commensalité qu’à Turin, y déjeunant et y dînant tous les jours. Les événements n’avaient guère modifié ses opinions, mais son langage était plus mesuré que l’année précédente.

Le mariage civil se fit dans le salon de mon père. Nous nous rendîmes ensuite à la chapelle catholique, puis à l’église protestante. Cela est nécessaire en Angleterre où il n’y a pas d’autres registres de l’état civil que ceux tenus dans les paroisses. Je crois d’ailleurs que miss Campbell n’avait pas encore déclaré son abjuration.

Elle a fait payer chèrement au pauvre Jules les sacrifices qu’il lui imposait de son pays et de sa religion. Il est impossible d’être plus maussade, plus bizarre et plus désobligeante. Elle est morte de la poitrine, trois ans après son mariage, laissant deux enfants qui paraissent avoir hérité de la santé de leur mère aussi bien que de sa fortune. Jules s’était conduit très libéralement au moment de son mariage au sujet des biens de sa femme. Les Macdonald s’en louaient extrêmement. Il a été le meilleur et le plus soigneux des maris pour sa quinteuse épouse. L’homme privé, en lui, est toujours facile, obligeant et honorable.