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RÉPONSE DU PRINCE DE POIX

avaient été plus animées qu’on ne devait s’y attendre dans de si pénibles circonstances. La plupart de ceux appelés à y figurer appartenaient à une classe de personnes qui regardent la Cour comme nécessaire au complément de leur existence. Quand une circonstance quelconque de disgrâce ou de politique les tire de cette atmosphère, il manque quelque chose à leur vie. Un grand nombre d’entre elles avaient été privées d’assister à des fêtes de Cour par les événements de la Révolution ; elles y portaient un entrain de débutantes et un zèle de néophytes qui simulaient au moins la gaieté si elle n’était pas complètement de bon aloi.

Je ne sais jusqu’à quel point le public s’identifia à ces joies ; j’étais absente et les rapports furent contradictoires. De tous les récits, il n’est resté dans ma mémoire qu’un mot du prince de Poix. Le jour de l’entrevue à Fontainebleau, le duc de Maillé, s’adressant à un groupe de courtisans qui, comme lui, sortaient des appartements, leur dit :

« Savez-vous, messieurs, que notre nouvelle princesse a un œil plus petit que l’autre.

— Je n’ai pas du tout vu cela », reprit vivement le prince de Poix.

Mais après avoir réfléchi, il ajouta :

« Peut-être madame la duchesse de Berry a-t-elle l’œil gauche un peu plus grand. »

Cette réponse est trop classique en son genre pour négliger de la rapporter.

Je reviens à Londres. Je ne sortais guère de l’intérieur de l’ambassade, où nous avions fini par attirer quelques habitués, que pour aller chez les collègues du corps diplomatique, chez les ministres et à la Cour dont je ne pouvais me dispenser.