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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Il faut avouer qu’on ne pouvait guère concevoir une idée plus étrange que celle d’appeler le public chez soi dans de pareils prédicaments.

Ce bal fut illustré par une autre singularité. Lady Caroline Lamb avait fait paraître quelques jours avant le roman de Glenarvon. C’était le récit de ses aventures avec le fameux lord Byron, aventures poussées le plus loin possible. Elle avait fait entrer dans le cadre de son roman tous les personnages marquants de la société et surtout les membres de sa propre famille, y compris son mari William Lamb (devenu depuis lord Melbourne).

À la vérité, elle lui accordait un très beau caractère et une fort noble conduite ; elle avait été moins bénévole pour beaucoup d’autres, et, comme les noms étaient supposés, on se disputait encore sur les personnes qu’elle avait prétendu peindre.

À ce bal d’Uxbridge House, je l’ai vue, pendue amoureusement au bras de son mari et distribuant la clef, comme elle disait, de ses personnages fort libéralement. Elle avait eu le soin d’en faire faire de nombreuses copies où le nom supposé et le nom véritable étaient en regard, et c’étaient ceux de gens présents ou de leurs parents et amis. Cette scène complétait la bizarrerie de cette singulière soirée.

Je renonçai bien vite à mener la vie de Londres ; en outre qu’elle m’ennuyait, j’étais souffrante. J’avais rapporté de Gènes une douleur rhumatismale dans la tête qui n’a cédé que quatre ans après, à l’effet des eaux d’Aix, et qui me rendait incapable de prendre part aux plaisirs bruyants.

Aussi n’éprouvai-je aucun regret de ne point assister aux fêtes données en France pour le mariage de monsieur le duc de Berry. Les récits qui nous en arrivaient les représentaient comme ayant été aussi magnifiques que le permettait la détresse générale du royaume. Elles