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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

encore bien plus cruel car une pénurie relative, suivant leur condition, vient l’aggraver. La belle-fille arrive, accompagnant son mari, prend immédiatement possession du château, donne tous les ordres. La mère s’occupe de faire ses paquets et, au bout de fort peu de jours, se retire dans un modeste établissement que souvent la sollicitude du feu lord lui a préparé.

Il est rare que son revenu excède le dixième de celui qu’elle a été accoutumée à partager, et elle voit son fils hériter, de son vivant, de la fortune qu’elle-même a apportée. C’est la loi du pays : à moins de précautions prises dans le contrat de mariage, la dot de la femme appartient tellement au mari que ses héritiers y ont droit, même pendant la vie de la veuve dont généralement toutes les prétentions se résolvent en une pension viagère.

Nos demoiselles françaises ne doivent pas trop envier à leurs jeunes compagnes anglaises la liberté dont elles jouissent et leurs mariages soi-disant d’inclination. Cette indépendance de la première jeunesse a pour résultat de les laisser sans protection contre la tyrannie d’un mari s’il veut l’exercer, et de leur assurer l’isolement de l’âge mûr si elles y arrivent.

S’il est permis de se servir de cette expression, les anglaises me semblent avoir un nid plutôt qu’un intérieur, des petits plutôt que des enfants.