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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

habillé et dans son salon, mais cela dérangeait ses habitudes et le gênait. En se présentant à sa porte sans avoir prévenu, il était rare qu’on ne fût pas admis. Il commençait la conversation par une légère excuse sur le désordre où on le trouvait, mais il en était de meilleure humeur et plus disposé à la causerie.

Il n’achevait sa toilette qu’au dernier moment, lorsqu’on lui annonçait ses chevaux. Il montait à cheval, suivi d’un seul palefrenier, et allait au Parc où il se laissait aborder facilement. À moins qu’il ne dit : « Promenons-nous ensemble », on se bornait à en recevoir un mot en passant sans essayer de le suivre. Quand il s’arrêtait, c’était une grande politesse, mais elle excluait la familiarité et on ne l’accompagnait pas. La première année, il s’arrêtait pour mon père, mais, lorsqu’il le traita plus amicalement, ou il l’engageait à se promener avec lui, ou il lui faisait un signe de la main en passant sans jamais s’arrêter.

Du Parc il se rendait chez lady Hertford où il achevait sa matinée. Plus habituellement sa voiture l’y venait prendre, quelquefois il revenait à cheval. Il fallait être très avant dans sa faveur pour que lady Hertford engageât à venir chez elle à l’heure du prince, et encore trouvait-on souvent la porte fermée. Les ministres y allaient fréquemment.

Lady Hertford sans avoir beaucoup d’esprit, avait un grand bon sens, n’entrait dans aucune intrigue, ne voulait rien pour elle ni pour les siens ; elle était au fond la meilleure intimité que le prince, à qui la société des femmes était nécessaire, pût choisir. Les ministres ont eu occasion de s’en persuader encore davantage lorsque le Régent, devenu roi, a remplacé cette affection, toute de convenance, par une fantaisie pour lady Conyngham dont le ridicule n’a pas été le seul inconvénient.