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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

s’il y aurait réussi ; mais, lorsque le mariage de la princesse semblait avoir assuré le succès de cette longue intrigue, elle échoua complètement devant le bon sens du prince Léopold. Il profita de la passion qu’il inspirait à sa femme pour l’éloigner de la coterie dont elle était obsédée, la rapprocher de sa famille et changer son attitude politique et sociale. Ce ne fut pas l’affaire d’un jour, mais il s’en occupa tout de suite et, dès la première semaine, miss Mercer, s’étant rendue à Claremont après y avoir écrit quelques billets restés sans réponse, y fut reçue si froidement qu’elle dut abréger sa visite, au point d’aller rechercher au village sa voiture qu’elle y avait renvoyée.

Des plaintes amenèrent des explications dont le résultat fut que la princesse manquerait de respect à son père en recevant chez elle une personne qu’il lui avait défendu de voir. Miss Mercer fut outrée ; le parti de l’opposition cessa d’attacher aucun prix à son mariage avec le duc de Devonshire et tout le monde se moqua d’elle d’y avoir prétendu.

Pour cacher sa déconvenue, elle affecta de s’éprendre d’une belle passion pour monsieur de Flahaut que ses succès auprès de deux reines du sang impérial bonapartiste avaient inscrit au premier rang dans les fastes de la galanterie. Il était précisément ce qu’on peut appeler un charmant jeune homme et habile dans l’art de plaire. Il déploya tout son talent. Miss Mercer se trouva peut-être plus engagée qu’elle ne comptait d’abord. Lord Keith se déclara hautement contre cette liaison ; elle en acquit plus de prix aux yeux de sa fille. Quelques mois après, elle épousa monsieur de Flahaut, malgré la volonté formelle de son père qui ne lui a jamais tout à fait pardonné et l’a privée d’une grande partie de sa fortune. Madame de Flahaut n’a pas démenti les précédents de miss Mercer :