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LE PRINCE RÉGENT

qu’elle se soit donnés, quelques négociateurs qu’elle ait employés, et le prince régent a été du nombre, jamais, tant que la vieille Reine a vécu, elle n’a pu paraître à celle de Saint-James.

Je n’oserais dire que la Reine fût aimée, mais elle était vénérée. Le prince régent donnait l’exemple des égards. Il était très soigneux et très tendre pour elle en particulier. En public, il la comblait d’hommages.

Je fus frappée, le soir de ce concert, de voir un valet de chambre apporter un petit plateau, avec une tasse de thé, un sucrier et un pot à crème et le remettre au Régent qui le présenta lui-même à sa mère. Il resta debout devant elle pendant tout le temps qu’elle arrangea sa tasse, sans se lever, sans se presser, sans interrompre sa conversation. Seulement elle lui disait toujours en anglais, quelque langue qu’elle parlât dans le moment : Thank you, George. Elle répétait le même remerciement dans les mêmes termes lorsque le prince régent reprenait le plateau des mains du valet de chambre pour recevoir la tasse vide. C’était l’usage constant. Cette cérémonie se renouvelait deux à trois fois dans la soirée, mais n’avait lieu que lorsque la Reine était chez le prince. Chez elle, c’était ordinairement une des princesses, quelquefois un des princes, jamais le Régent, mais toujours un de ses enfants qui lui présentait sa tasse de thé.

Tous les autres membres de la famille royale, y compris le Régent, partageaient les rafraîchissements préparés pour le reste de la société, sans aucune distinction. En général, autant l’étiquette était sévèrement observée pour la Reine, autant il en existait peu pour les autres. Les princes et princesses recevaient et rendaient des visites comme de simples particuliers.

Je me rappelle que, ce même soir, où j’avais subi la