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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

sions témoigner que tout était à jour. Je n’ai jamais assisté à scène plus bouffonne, d’autant que la plupart des assistants lui étaient aussi étrangers que moi.

Je n’entrerai pas dans le récit des extravagances du parti à la Chambre : elles sont trop importantes pour que l’histoire les néglige ; mais je ne puis m’empêcher de raconter une histoire qui m’a amusée dans le temps.

Un vieux député de pur sang qui, comme le roi de Sardaigne, voulait rétablir l’ancien régime de tous points, réclamait journellement et à grands cris nos anciens supplices, comme il disait. Un collègue un peu plus avisé lui représenta que, sans doute, cela serait fort désirable mais qu’il ne fallait pas susciter trop d’embarras au gouvernement du Roi et qu’il n’était pas encore temps.

« Allons, mon ami, reprit le député en soupirant, vous avez peut-être raison, remettons la potence à des temps plus heureux ! »

On ne saurait assez dire combien ce mot : Il n’est pas encore temps, qui se trouvait sans cesse dans la bouche des habiles du parti royaliste en 1814 et 1815, a fait d’ennemis à la royauté et l’influence qu’il a eue sur les Cent-Jours. Peut-être ne l’employaient-ils que pour calmer les plus violents des leurs, mais les antagonistes y voyaient une de ces menaces vagues, d’autant plus alarmantes qu’elles sont illimitées, et les chefs des diverses oppositions ne manquaient pas de l’exploiter avec zèle.

D’autres petites circonstances se renouvelaient sans cesse pour inspirer des doutes sur la bonne foi de la Cour.

Jules de Polignac fut créé pair ; il refusa de siéger. Il ne pouvait, disait-il, lui, catholique, prêter serment à une charte reconnaissant la liberté des cultes. Le Roi nomma une commission de pairs pour l’arraisonner. Monsieur de Fontanes en était, et je me rappelle qu’un jour