Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
PRÉSENTATION À LA COUR

debout. Cela dura assez longtemps : Madame soutint le dialogue à elle toute seule.

Lady Élisabeth, jeune et timide, était trop embarrassée pour rien ajouter aux monosyllabes de ses réponses et j’admirais la manière dont Madame exploita l’Angleterre et la France, l’Irlande et l’Italie d’où arrivait lady Élisabeth pour remplir le temps qu’allongeait outre mesure la marche lente et pénible du Roi.

Enfin il entra ; tout le monde se leva ; le silence le plus profond régna. Il l’interrompit, quand il fut vers le milieu de la chambre, pour dire sans sourciller, du ton le plus grave et d’une voix sonore, la niaiserie convenue depuis le temps de Louis Louis xiv : « Madame, je ne vous savais pas en si bonne compagnie. » Madame lui répondit une autre phrase, probablement également d’étiquette, mais que je ne me rappelle pas. Ensuite le Roi adressa quelques paroles à lady Élisabeth. Elle ne lui répondit pas plus qu’à Madame. Le Roi resta debout ainsi que tout le monde ; au bout de peu de minutes, il se retira.

Alors on s’assit, pour se relever immédiatement à l’entrée de Monsieur. « Ne devrai-je pas dire que je ne vous savais pas en aussi bonne compagnie ? », dit-il, en souriant ; puis, s’approchant gracieusement de lady Élisabeth, il lui prit la main et lui fit un compliment obligeant. Il refusa d’accepter un siège que Madame lui offrit, mais fit asseoir les dames et resta bien plus longtemps que le Roi.

Les dames se levèrent à sa sortie, puis se rassirent pour se relever de nouveau à l’entrée de monsieur le duc d’Angoulême ; pour cette fois, les premiers compliments passés, il prit une chaise à dos et fit la conversation. Il semblait que la timidité de l’ambassadrice lui donnât du courage. Je ne conserve aucune idée d’avoir vu monsieur le duc de Berry à cette cérémonie. Je ne sais s’il s’en