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MARIAGE DU DUC DE BERRY

déjà en 1814, il en avait été question. L’empereur Alexandre avait désiré lui voir épouser sa sœur ; la manière dont elle avait été repoussée lui avait donné beaucoup d’humeur. Monsieur le duc de Berry souhaitait cette alliance, mais le Roi et Monsieur trouvaient la maison de Russie trop peu ancienne pour donner une mère aux fils de France.

Madame la duchesse d’Angoulême partageait cette manière de voir. De plus, elle redoutait une belle-sœur à laquelle ses rapports politiques auraient donné une existence indépendante et avec laquelle il aurait fallu compter. Elle craignait aussi une princesse personnellement accomplie qui aurait pu rallier autour d’elle les personnes distinguées par leur esprit pour lesquelles Madame a toujours éprouvé une répugnance instinctive, quelles qu’aient été leurs couleurs.

La princesse de Naples, née Bourbon, appartenant à une petite Cour, n’ayant reçu aucune éducation, réunit tous les suffrages de la famille. Elle fut imposée à monsieur le duc de Berry qui ne s’en souciait nullement. Monsieur de Blacas fut chargé de cette négociation qui n’occupa pas longuement ses talents diplomatiques.

Dans le même temps, on conçut l’idée de marier Monsieur. Cela était assez raisonnable, mais Madame l’en dissuada le plus qu’elle put. Elle aurait trop souffert à voir une autre princesse tenir la Cour et prendre le pas sur elle ; et Monsieur, qui l’aimait tendrement, n’eût-il pas eu d’autres motifs, n’aurait pas voulu lui donner ce chagrin.

Cela me rappelle un mot heureux de Louis XVIII. Il était goutteux, infirme, dans un état de santé pitoyable. Un jour où il parlait sérieusement à Monsieur de la convenance de se marier, celui-ci lui dit en ricanant et d’un ton un peu goguenard :