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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

manqué aux habitudes. Chaque jour après avoir dîné chez le Roi, Monsieur descendait chez sa belle-fille à huit heures ; à neuf heures il retournait chez lui. Monsieur le duc d’Angoulême allait se coucher et Madame passait chez sa dame d’atour, madame de Choisy. C’était là où se réunissaient les plus purs, c’est-à-dire les plus violents du parti royaliste.

Le soir en question, Madame les trouva au grand complet. Ils avaient eu vent du projet de grâce. Elle avoua être entrée dans ce complot, et dit que son beau-père et son mari l’approuvaient. Aussitôt les cris, les désespoirs éclatèrent. On lui montra les dangers de la couronne si imminents après un pareil acte que, chose sans exemple, elle monta dans la voiture d’une personne de ce sanhédrin et se rendit au pavillon de Marsan où elle trouva Monsieur également chapitré par son monde et fort disposé à revenir sur le consentement qui lui avait été arraché.

Il fut résolu que Madame ne ferait aucune démarche et que, si le ministre et le Roi voulaient se déshonorer, du moins le reste de la famille royale n’y tremperait pas. Voilà à quoi tenait le silence de Madame. Monsieur de Richelieu obtint une audience, mais la trouva inébranlable. Elle était trop engagée. C’est de ce moment qu’a daté leur mutuelle répugnance l’un pour l’autre.

Monsieur de Richelieu vint rendre compte au Roi.

« Je l’avais prévu ; ils sont implacables, dit le monarque en soupirant ; mais, si je les bravais ; je n’aurais plus un instant de repos. »

Tandis que ceci se passait chez les princes, on était venu demander au duc de Raguse ce qu’il consentirait à faire en faveur de monsieur de La Valette. « Tout ce qu’on voudra », avait-il répondu. Il se rendit d’abord auprès du Roi, qui lui fit ce que lui-même appelait son