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LES PRINCES EN BELGIQUE

un assez grand nombre des gardes de sa compagnie, réunis de pur zèle, sans que jamais ni lui ni eux eussent obtenu une parole du Roi, ni pu deviner qu’ils étaient remarqués. Je crois que les princes craignaient de se compromettre, vis-à-vis de leurs partisans et de prendre des engagements, dans le cas où la nouvelle émigration se prolongerait.

Parlerai-je de ce camp d’Alost, commandé par monsieur le duc de Berry, et si déplorablement levé au moment où la bataille de Waterloo était engagée ? Le duc de Wellington s’en expliqua cruellement et publiquement vis-à-vis du prince auquel il reprochait la rupture d’un pont.

Monsieur le duc de Berry s’excusa sur des rapports erronés qui lui faisaient croire la bataille perdue.

« Raison de plus, monseigneur ; quand on se sauve il ne faut pas rendre impossible la marche de braves gens qui peuvent être obligés de faire une retraite honorable ! »

J’aime mieux raconter la farouche énergie d’un soldat. Édouard Dillon avait été chargé par le Roi, après la bataille de Waterloo, de porter des secours aux blessés français recueillis dans les hôpitaux de Bruxelles. Il arriva près d’un lit où on venait de faire l’amputation du bras à un sous-officier de la garde impériale. Pour réponse à ses offres, il lui jeta le membre sanglant qu’on venait de couper.

« Va dire à celui qui t’envoie que j’en ai encore un au service de l’Empereur. »

L’un de mes premiers soins, en arrivant à Paris, avait été d’aller chez monsieur de Talleyrand. J’étais chargée par mon père de lui expliquer très en détail la situation pénible où se trouvaient les français en Piémont. Je m’en acquittai assez mal ; je n’ai jamais été à mon aise avec