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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

madame de Duras qu’il craignait que cette nomination, où on reconnaîtrait tout son empire, ne la compromît et ne lui attirât des ennemis. J’ai vu le billet où elle lui répondait qu’elle exigeait l’accomplissement de sa parole, qu’elle se faisait gloire de son attachement pour lui et ne craignait, en aucune façon, les propos malveillants qu’on pourrait tenir sur une liaison dont il avait bien soin qu’elle ne connût que les amertumes.

Monsieur de Chateaubriand n’osa pas résister davantage. Cette intempestive nomination eut lieu. Elle fut généralement blâmée, ridiculisée, et nuisit tout d’abord à sa considération. Chacun y reconnut la volonté impérieuse de madame de Duras et elle ne s’en cacha pas, et pourtant elle aurait tout sacrifié à cette gloire qu’elle immolait à l’autel de sa vanité.

La guerre d’Espagne étant décidée, il fallut s’occuper des préparatifs. Il semblait qu’il ne dut y avoir qu’un ordre à expédier pour entrer en campagne. La fièvre jaune, qui désolait la péninsule, avait autorisé l’établissement d’un cordon sanitaire sur la frontière, et, depuis que la peste révolutionnaire s’y était ajoutée, le nombre des troupes avait été considérablement accru.

Toutefois, les répugnances politiques et financières de monsieur de Villèle s’étaient également opposées à ce qu’elles fussent mises sur le pied de guerre. L’incapacité du maréchal duc de Bellune, aussi bien que la vénalité de ses entours, avaient servi les vœux du président du conseil, sans les partager.

Monsieur le duc d’Angoulême fut nommé généralissime et partit au commencement du printemps. J’ai lieu de croire qu’il n’était nullement partisan de cette guerre, mais il ne savait jamais qu’obéir au Roi.

En arrivant à Bayonne, il trouva que rien n’avait été préparé pour l’entrée en campagne. Il expédia un courrier