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MATHIEU DE MONTMORENCY

âme honnête ne pouvait plus s’y associer. Je ne sais si c’est immédiatement après la mort de madame de Laval que les sentiments religieux s’emparèrent du cœur de son cousin ; mais je ne le retrouve, dans mes souvenirs, que quelques années plus tard menant en Suisse la vie d’un anachorète et expiant dans les remords les erreurs de sa première jeunesse. Il avait laissé en France, auprès de sa mère, la duchesse de Luynes, sa femme grosse. Il lui était né une fille, mariée depuis à Sosthène de La Rochefoucauld.

Le temps ayant un peu cicatrisé les blessures de Mathieu, les prières de madame de Staël l’attirèrent à Coppet où ses soins achevèrent de le calmer.

La France était redevenue habitable ; le désir de revoir sa patrie et de remplir les devoirs de famille, qu’une violente passion lui avait trop fait négliger, l’y ramena. Si madame Mathieu avait eu à souffrir de ses froideurs avant l’émigration, elle le lui rendit en hauteur et en maussaderie au retour.

Dans le long séjour qu’elle avait fait en prison pendant la Terreur, Hortense s’était passionnément attachée à une femme de chambre qu’elle y avait menée ou trouvée et vivait exclusivement avec elle, livrée à toutes les plus petites pratiques de la religion à laquelle seule elle pliait un caractère de fer. Sa fille tenait peu de place dans sa vie, ses parents moins encore, son mari point du tout. Reconnaissant ses torts envers elle et souhaitant trouver dans des affections légitimes une nourriture permise à un cœur très tendre, monsieur de Montmorency supporta, avec une patience admirable, les procédés dont il fut accueilli et chercha à ramener sa femme à plus de douceur.

Bientôt sa fille fut mise au couvent pour l’éloigner de ses caresses, et madame Mathieu lui déclara qu’étant en