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MATHIEU DE MONTMORENCY

Villèle dans l’idée qu’il avait acquis un puissant auxiliaire.

Le vicomte de Montmorency revint à Paris où il était attendu par le titre de duc. Il est difficile de comprendre la puérile joie que cette faveur inspira à lui et à sa femme, mais elle ne fut pas de longue durée. Le duc Mathieu déclara qu’il se tenait pour engagé à faire entrer une armée en Espagne. Monsieur de Villèle s’y refusa et monsieur de Montmorency donna, bien à regret, sa démission.

Monsieur de Chateaubriand, arrivé à tire-d’aile, prit la place de son ami, et, une fois assis au conseil, se montra plus vif pour la guerre d’Espagne que ne l’avait été son prédécesseur. Les cajoleries prodiguées par l’empereur Alexandre, lorsque monsieur de Chateaubriand était resté seul à Vérone après le départ de ses collègues, avaient-elles amené une révolution dans ses idées ou bien avait-il jusque-là caché ses véritables opinions ? On peut le soupçonner également de mobilité et de dissimulation, mais les faits sont tels que je les raconte.

Mathieu avait trouvé assez simple d’être remplacé par monsieur de Chateaubriand lorsqu’il le croyait d’un avis contraire au sien ; mais il fut indigné quand il le vit, arrivé au pouvoir, suivre les mêmes errements. Il s’en expliqua avec une extrême amertume. J’assistai à une scène de violence de sa part où il ne l’épargna pas. Il fallut toute l’habileté et la douceur de madame Récamier, presqu’également amie de tous deux, pour éviter le scandale d’une rupture, ouverte et motivée, devant le public. Monsieur de Chateaubriand la redoutait à juste titre.

La vie de Mathieu n’a pas été celle de tout le monde. Son père, le vicomte de Laval, fils cadet du maréchal, avait épousé mademoiselle de Boullongne, fille de finance, destinée à une immense fortune qu’elle n’a pourtant pas