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L’AMBASSADE DE M. DE CHATEAUBRIAND

traste de déployer les pompes diplomatiques là où il avait traîné l’existence de l’obscur émigré. Ce bonheur fut moins vif qu’il n’avait prévu, d’autant que sa gloire personnelle ne jette pas de grands rayons hors de France.

Son talent, si populaire chez nous, a peu de retentissement à l’étranger, soit qu’il ait jeté son grand éclat pendant que la Révolution faisait trop de bruit pour qu’il fût écouté, soit que les témérités de l’école qu’il a fondée n’eussent pas pour des peuples, accoutumés à les trouver dans leur propre littérature, le charme que nous y reconnaissions avant que les extravagances des disciples eussent discrédité le maître.

Remarquons aussi que le mérite particulier des ouvrages de monsieur de Chateaubriand tient au prestige d’un certain agencement de mots, très artistement combinés, qui donne à son style un éclat de coloris auquel les étrangers doivent être bien moins sensibles que les nationaux. Quelle qu’en soit la raison, monsieur de Chateaubriand n’est point apprécié hors de France, et c’est ce qui, en tout temps, lui a rendu impossible de séjourner dans d’autres pays.

Il ne tarda pas à être aussi dégoûté de Londres que de Berlin, et sollicita vivement d’être envoyé au Congrès de Vérone. Le vicomte de Montmorency, fort son ami d’ailleurs, s’en souciait peu ; mais, aussitôt après le départ de ce ministre pour Vérone, monsieur de Villèle, chargé par intérim du portefeuille des affaires étrangères, se fit de plus nommer président du conseil et se mit en correspondance intime avec le vicomte de Chateaubriand.

Quant à Mathieu, il prenait sa route pour Vienne ; on l’y attendait avec impatience. À peine descendu de voiture, il sort à pied. Bientôt après, monsieur de Metter-