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LA CONGRÉGATION

On va me dire, vous parlez sans cesse de la Congrégation ; qu’était-ce donc ? Je pourrais répondre : le mauvais génie de la Restauration, mais cela ne satisferait pas. Pour nous, qui l’avons vue à l’œuvre, nous ne pouvons douter de son existence, et pourtant je ne saurais dire, à l’heure qu’il est, quels étaient les chefs réels de cette association qui réglait le destin du pays. On a désigné un certain père Ronsin, jésuite. Je ne voudrais pas l’affirmer.

Indubitablement, la Société de Jésus se recrutait, à la Cour, de jésuites à robes courtes. Monsieur d’abord, Jules de Polignac, Mathieu de Montmorency, le marquis de Tonnerre, le duc de Rivière, le baron de Damas, en étaient les coryphées. Tout ce qui avait de l’ambition ou se sentait des dispositions à l’intrigue se ralliait, avec plus ou moins de zèle, à ce parti qu’on voyait au pinacle et qui ne devait point en descendre pendant tout le règne, prochainement espéré, de Monsieur.

Si je ne puis signaler les chefs de cette doctrine, je puis au moins indiquer ses projets ; ils me sont revenus par trop de voies, directes et indirectes, pour qu’ils ne me soient pas très familiers. Toutefois les articles n’en étaient pas rédigés avec une telle rigidité qu’ils ne conservassent assez d’élasticité pour se formuler avec plus ou moins de violence, selon les personnes qu’on cherchait à captiver. Mais voici les traits fondamentaux vers lesquels on devait tendre : les trois ordres rétablis dans l’État ; le clergé, mis en possession de biens territoriaux, indépendant, ne relevant que du Pape, c’est-à-dire de personne, et tenant le premier rang ; la noblesse, reconnue comme ordre, avec le plus des anciens privilèges qu’on pourrait ressusciter ; la Chambre des pairs rendue élective par la noblesse exclusivement qui se trouvait ainsi représentée comme faisant corps dans l’État ; la