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MINISTÈRE DE M. DE VILLÈLE

Mathieu. Sosthène racontait qu’il avait d’abord pensé à le prendre lui-même, mais il avait trouvé plus romain de l’abandonner à son beau-père : « J’ai fait des rois, seigneur, et n’ai pas voulu l’être. »

Il n’y eut pas de président du conseil. Monsieur de Villèle n’osait pas encore y prétendre pour lui et ne voulait pas en reconnaître un autre. Monsieur de Corbière suivit le sort de son ami et patron et prit le portefeuille de l’intérieur. Monsieur de Peyronnet, qui s’était fait remarquer par sa furibonde faconde pendant le dernier procès à la Chambre des pairs, fut appelé aux sceaux. Sa réputation était tellement honteuse à Bordeaux, sa patrie, qu’il y eut des paris ouverts contre cette nomination, traitée d’apocryphe. Le Moniteur confondit les incrédules.

Le maréchal Victor, duc de Bellune, était un choix selon les cœurs des plus purs ultras. On le reconnaissait pour un vieil imbécile entouré d’une famille d’escrocs, mais il pensait si bien que ce mérite l’emportait sur tous les inconvénients possibles.

Afin que ce pitoyable cabinet reçut le scel du cachet de Sosthène, le duc de Doudeauville, son père, grand seigneur nécessiteux, fut nommé directeur des postes. Sa dignité ne lui permit pas d’abandonner son hôtel pour aller habiter celui de la rue Coq-Héron ; mais il en fit enlever les meubles, les pendules, les ornements, le linge, les surtouts et jusqu’au billard qu’il fit apporter chez lui.

Cette nomination donna lieu au dernier joli mot aristocratique de notre temps. Lorsqu’on annonça que le duc de Doudeauville était directeur des postes, quelqu’un demanda : « Et qui est-ce qui sera duc de Doudeauville ? »

Le marquis de Lauriston se sépara seul de ses anciens