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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

tion d’Odessa l’occupait le plus activement, l’année de son service de premier gentilhomme de la chambre auprès de Louis XVIII vint à sonner. Le duc pria le duc de Fleury, son camarade, établi à Mittau chez le Roi, de le remplacer et négligea de venir prendre son poste dans une antichambre d’émigration. Pour les princes de la maison de Bourbon, le service auprès de leur personne est toujours le principal devoir. Jamais ils n’ont pardonné ce premier grief au duc de Richelieu. Il avait, de plus, pour leur déplaire, les titres qu’y donnaient un esprit droit et sage et une noble indépendance de caractère.

L’empressement du Roi pour obtenir la retraite de ses ministres était devenu si grand qu’il fit réclamer jusqu’à trois fois dans la soirée, leur démission. La difficulté de se réunir tous, à une heure insolite, pour la rédiger en commun, en avait retardé l’envoi. On sut depuis qu’il avait promis à madame du Cayla qu’elle lui serait remise avant l’heure de son coucher. En effet, elle la reçut à minuit.

Ici se termine le règne de Louis XVIII ; il n’a plus été qu’un instrument entre les mains des agents de Monsieur qui, lui-même, obéissait à la Congrégation. Lorsque monsieur de Villèle a cherché à s’en affranchir, il est tombé comme les autres.

J’ai dit que Sosthène de La Rochefoucauld était depuis nombre d’années dans des relations intimes avec madame du Cayla. Sa femme en témoignait du chagrin, et son beau-père et sa belle-mère une humeur qu’ils ne manquaient pas une occasion de faire éclater.

Mais, depuis la faveur de madame du Cayla, ils avaient changé d’allure. Ils s’étaient graduellement rapprochés, et monsieur et madame Mathieu de Montmorency passaient leur vie chez elle. Ce raccommodement obtint pour salaire le ministère des affaires étrangères pour