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RÉCOMPENSE NATIONALE

service de leurs intérêts. Bien des gens auraient voulu se rallier autour du duc de Richelieu pour faire contrepoids à cette tendance qui effrayait. Non seulement il ne le désirait pas, mais encore il s’y refusait et s’était éloigné.

Monsieur Decazes, un peu repentant peut-être de sa conduite envers le duc, s’occupa avec empressement de lui faire décerner une récompense nationale ; mais les germes d’ingratitude, soigneusement semés depuis quelques mois, avaient fructifié ; et, lorsqu’on voulut faire valoir des services qu’on avait pris tant de peine à déprécier, on ne trouva nulle part assez d’élan pour résister aux malveillances des oppositions de l’extrême gauche et de l’extrême droite. Au lieu d’être votée d’acclamation, la récompense nationale fut discutée, disputée et ne passa qu’à une faible majorité.

Monsieur de Richelieu, le plus désintéressé des hommes, fut profondément blessé de la forme de cette transaction. Il employa la somme votée par les Chambres à une fondation dans la ville de Bordeaux. Accoutumé à la frugalité et à la simplicité, ses revenus personnels suffisaient de reste à ses besoins.

Il était entré à l’hôtel des affaires étrangères apportant tout son bagage dans une valise ; il en sortit de même ; mais, malgré cette modestie, il se sentait autant qu’homme de France. Il se souciait peu que ses services fussent mal rémunérés, mais il était cruellement blessé qu’ils ne fussent pas mieux appréciés.

Il était donc profondément dégoûté des affaires et ne voulait y rentrer ni comme chef d’opposition, ni, encore moins, comme chef du gouvernement. C’était un forçat délivré de ses chaînes et il formait le bien ferme propos de ne jamais les reprendre.

Le désir de jouir de la liberté qu’il avait reconquise