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INTRIGUES CONTRE LE MINISTÈRE

rituelle, intrigante et possédait surtout un fond de bassesse que rien n’épouvantait. Les tristes séductions employées auprès du vieux Roi ne le cédaient qu’à l’ignoble salaire qu’elle en recevait. Si le ministère avait été plus éclairé sur ses manœuvres, on aurait pu la retenir dans une situation subalterne et mercenaire : l’or aurait suffi à son âpreté ; mais il la méprisa trop. Elle eut le temps d’établir son influence et voulut l’exercer politiquement.

Je ne sais si elle conçut l’idée d’allier sa fortune à celle de monsieur de Villèle ou si monsieur de Villèle pensa le premier à se servir de ce vil instrument, mais, ce dont je suis sûre, c’est que Sosthène de La Rochefoucauld, depuis de longues années le soupirant plus ou moins heureux de madame du Cayla, devint l’intermédiaire de cette alliance encore très secrète. Une fois conclue, on y fit facilement entrer Monsieur, et la chute du ministère Richelieu fut décidée dans ce petit conseil, sous le patronage de la Congrégation.

L’intrigue éclata dès l’ouverture de la session. On proposa dans l’adresse, en réponse au discours du Roi, une phrase qui se pouvait interpréter comme un blâme aux ministres, et il fut bientôt évident qu’elle serait soutenue par les deux oppositions, de droite et de gauche, réunies pour attaquer le ministère dans cette conjoncture.

Les doctrinaires, sous l’influence de leur chef monsieur Royer-Collard, firent l’appoint de cette majorité factice, bien persuadés qu’ils étaient de voir tomber en trois mois un ministère ultra et d’être appelés à le remplacer.

Monsieur Royer-Collard possède une de ces ambitions occultes qui prétend tout obtenir en ayant l’air de tout dédaigner. Il n’en est pas de plus dangereuses ni de plus