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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

qu’elle témoigna augmenta les soupçons. On la renvoya au palais pendant qu’on livrait son écriture aux experts ; et les ministres, au rapport de cet interrogatoire, s’apitoyèrent fort sur le sort des grands exposés à trouver des traîtres parmi ceux qu’ils comblent le plus de faveur.

Le soir, le Roi assembla un Conseil extraordinairement et lui déclara, avec un peu d’embarras et une profonde tristesse, qu’il fallait couper court à toute perquisition. Il raconta qu’au retour de l’interrogatoire la femme de chambre avait prévenu sa royale maîtresse que mentir sous serment était au-dessus de ses forces. Elle voyait bien d’ailleurs que ces messieurs soupçonnaient la vérité et elle ne pouvait promettre de la cacher à une seconde séance.

Madame la duchesse de Berry envoya chercher son confesseur et le chargea de révéler à Monsieur que les pétards étaient de son invention, les lettres écrites sous sa dictée et placées par son ordre. Elle était bien sûre, au reste, de n’avoir en cela que prévenu la pensée des assassins et voulait stimuler l’attention de la police qu’elle présumait très mal faite, puisqu’on n’avait pas encore chassé tous les agents de monsieur Decazes.

Si ses bonnes intentions ne suffisaient pas à expliquer ses actions, il ne fallait s’en prendre qu’à elle, ses gens n’ayant agi que par son commandement exprès. Sa femme de chambre, ajouta-t-elle, n’avait écrit la fameuse lettre de menaces qu’après de longues représentations et un ordre impératif. Monsieur avait dû porter cette maussade communication au Roi, et celui-ci la transmettait au conseil. Après ce récit, fait d’une voix altérée, écouté les yeux baissés, le Roi ajouta :

« Messieurs, je vous demande de ménager le plus que vous pourrez la réputation de ma nièce quoiqu’elle ne mérite guère d’égards. »