Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
31
ASSASSINAT DU DUC DE BERRY

Je crois que monsieur le duc d’Angoulême arriva le premier des princes, puis Monsieur. Celui-ci s’était jeté dans la voiture de la personne venue l’avertir. On ignorait encore si cet assassinat n’était pas le commencement d’une conspiration plus générale ; il pouvait y avoir du danger.

Le duc de Maillé, premier gentilhomme de la Chambre, ne pouvant trouver place dans la voiture, prit le parti de monter derrière, renouvelant ainsi, en occurrence honorable, le courtisanesque dévouement du vieux maréchal de Beauveau qui, en sa qualité de capitaine des gardes, était revenu de Rambouillet à Versailles derrière une chaise de poste où le jeune Louis XVI avait trouvé asile, un jour où il avait manqué ses relais à la chasse.

Combien les circonstances qualifient diversement les mêmes faits ! La conduite du maréchal, malgré tout le succès qu’elle eut à Versailles, m’a toujours semblé d’un valet et l’action du duc de Maillé d’un loyal gentilhomme.

J’ai entendu raconter, à des témoins oculaires, que le passage du vieux Roi dans les corridors de l’Opéra, où il se traînait pour aller recevoir le dernier soupir du dernier de sa famille, avait un caractère plus imposant, par ce contraste même, que si pareille scène se fût passée dans l’intérieur d’un palais.

Les détails touchants qui accompagnèrent cette horrible catastrophe et qui eurent trop de témoins pour qu’on osât les discuter relevèrent beaucoup la famille royale aux yeux de la France, et la mort de monsieur le duc de Berry lui fut plus utile que sa vie.

Les plus petites circonstances de cette cruelle nuit me furent redites par les nombreux assistants et surtout par les princesses d’Orléans. Elles en étaient bouleversées lorsque j’allai chez elles le lendemain. Mademoiselle me raconta que le Roi avait dit à monsieur le duc d’Orléans,