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APPENDICE x

apposés, ce qui me fait croire que M. L. de Ch. n’a accepté la succession que sous bénéfice d’inventaire. L’ébranlement est tel pour ma pauvre tante que ses idées sont encore toute confuses et, jusqu’à présent, elle n’a exprimé aucun désir, formé aucun projet. Elle confond, dans la même douleur, deux douleurs bien différentes, deux pertes bien intenses, celle de M. Ballanche et celle de M. de Chateaubriand. Hélas, c’était la meilleure part de sa vie et je n’ose regarder en avant.


Vendredi 7.

Cette lettre que j’avais laissée hier ouverte sur ma table, chère Madame, a été interrompue parce que j’ai été passé la journée à l’Abbaye aux bois. J’y ai trouvé la lettre que Monsieur Pasquier m’a fait l’honneur de m’écrire et qui a vivement émue ma tante.

M. le Chancelier permettra que je ne lui réponde pas aujourd’hui. Je viens aussi de recevoir à l’instant votre billet d’hier. Je vais le porter à ma pauvre chère tante. Il est bien certain que votre amitié est celle sur laquelle elle compte le plus, que votre nom est celui qu’elle prononce le plus et que vous êtes, chère Madame, la seule personne qu’elle pourrait voir avec joie. Je vais lui dire votre tendre pensée, je sais d’avance qu’elle en sera profondément attendrie. Je ne sais pas si elle l’acceptera. Je ne pense pas qu’elle veuille quitter Paris tant que le corps de M. de Ch. y sera. De plus, elle a une vive inquiétude du parti qui va être pris pour la publication des Mémoires et voudra être édifiée à ce sujet. Le seul désir qu’elle m’ait témoigné c’est de faire le voyage de St Malo. La route la plus courte est celle de Caen. Peut être nous arrêterions nous quelques jours ou quelques semaines chez moi en Normandie avant de continuer ce triste pèlerinage. Je vous écrirai sans doute demain et vous manderai ce qu’elle aura résolu.

Mille respectueux et tendres hommages.