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Madame Lenormant,
Nièce de Mme Récamier.
Ce 1er juillet 1848.

Chère Madame, j’ai vu hier chez ma tante le petit mot que vous avez bien voulu adresser à M. Ampère et c’est dans les circonstances présentes une joie vive que d’entendre parler de ses amis.

Ma tante va assez bien ; elle a traversé ces affreuses journées avec tout le courage qu’on pouvait attendre d’elle. Nous avons été séparés trois jours entiers d’elle, sans lettres, ni communications. C’était une horrible angoisse. Hélas, et qu’est-ce qui n’était pas angoisse dans ces terribles moments ! pendant cinq jours et cinq nuits, je ne voyais qu’à de rares intervalles mon mari dont la légion et le bataillon ont tant souffert, et je craignais à toute heure de le voir revenir blessé ; ils ont perdu 8 hommes et comptent 80 blessés. Pour lui, le ciel l’a protégé.

Aynard de La Tour du Pin a été blessé d’une balle et même depuis l’extraction souffre toujours beaucoup. M. Beaudon souffre peu, mais sa belle-mère a dit à ma tante qu’avant plusieurs jours encore on ne serait pas certain d’éviter l’amputation.

Le duc de Noailles est revenu à Paris le vendredi 23 avec son fils Jules ; l’un et l’autre ont fait le service le plus actif dans la 10e légion. Mais cela ne suffisait pas au jeune courage de Jules de Noailles, il a échappé à son père, s’est joint à la garde mobile, a traversé avec elle à plat ventre sous le feu des insurgés le pont du canal St Martin, s’est battu à la bar-