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ix
M. DUCHATEL
Londres, 1er novembre 1848
Lowndes Square,

Nous venons de nous établir de nouveau à Londres, madame, et l’on m’écrit que vous êtes de retour à Paris. Je profite de ce rapprochement pour me rappeler à votre souvenir. Je ne sais quand il nous sera donné de nous revoir ; je doute toujours que ce soit bientôt. Je cherche à ne pas penser à cette époque du retour ; c’est la meilleure manière d’éviter les déceptions et l’impatience.

J’ai trouvé bien des malades à Claremont. La Reine surtout et le Pce de Joinville ont été cruellement atteints. Je crains que la Reine ne se remette difficilement. Les médecins ont déclaré pendant un grand mois qu’ils ne comprenaient rien à ces maladies si opiniâtres ; ils les attribuaient à une influence du choléra, bien qu’elles eussent des caractères complètement contraires. Enfin, il y a deux jours, on a eu l’idée d’analyser l’eau ; on l’a trouvée empoisonnée et contenant je ne sais quelle substance de plomb.

Alors on a examiné tous les symptômes, et l’on a reconnu que toutes les indispositions n’avaient d’autre cause que l’empoisonnement, qui est attribué à quelque dérangement dans les conduites qui amènent l’eau. Le Roi lui-même, et les princesses qui ne sont pas malades, ont les gencives bleues et portent la trace du poison. J’ai bien peur que la Reine n’en soit frappée trop gravement pour permettre d’espérer un retour complet à la santé. C’est ce que disaient hier les médecins.