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vii
M. HYDE DE NEUVILLE
de la préfecture de police, 18 juin 1832.

Je vous remercie mille fois, Madame ; je reconnais, à votre obligeante lettre adressée à Madame de Neuville, votre bienveillante amitié pour moi, vous savez tout le prix que j’y attache et combien je vous suis dévoué ; quand même, je viens vous demander un service, c’est, quelque traitement qu’on me fasse éprouver, de ne rien demander pour moi à un gouvernement dont je n’accepterais aucune faveur… je ne le crains point, je ne l’aime point et, après ce qui vient de se passer, vous pouvez concevoir aisément tous les sentimens que je lui voue. Il n’a rien contre moi, il le sait ; il sait plus, il sait qu’il ne peut rien avoir contre moi car il n’y a pas une de mes actions qui ne puisse être produite au plus grand jour, mais il a voulu justifier des mesures odieuses, arbitraires, et il s’est empressé de profiter d’une accusation absurde, qui part d’un courtisan du pouvoir ou d’un sot, pour mettre en avant des noms que la France connaît et qu’à juste titre elle estime. C’est à nous maintenant à demander compte de l’accusation. Pour moi, j’étais très éloigné de croire qu’il fut utile de conspirer contre un gouvernement qui sait si bien se suicider et travailler à sa ruine ; je disais à tous, laissez faire et je suivais cette règle avec autant de modération que de patience ; je mettais quelque dignité, après m’être retiré des affaires en homme de cœur, à garder le silence, et à attendre tout, du tems, de la raison publique, de la force des choses,… mais, enfin, on me déclare la guerre ; je l’accepte et j’espère que toute la France sera pour moi.