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APPENDICE v

Voilà, ma très chère Adèle, l’expression des 1ers mouvements que produit dans mon âme si ouverte à toutes les émotions douloureuses la lettre de Caroline. Veuillez, je vous en conjure, vous en pénétrer, et offrir aussi à votre frère les assurances de toute ma sensibilité.

Le 4 de ce mois, je vous répondois, et je vous disois les alarmes que me causoit la poitrine de mon petit compagnon. C’est cette cruelle maladie qui nous retient ici depuis 5 semaines ; il est en convalescence à présent ; le médecin très habile se flatte que la playe au poumon est cicatrisée ; nous espérons pouvoir nous mettre en route dans une 12aine de jours. Nous voyagerons lentement avec les plus excessives précautions ; nous irons d’abord séjourner à Lausanne ; c’est là que je vous demande une réponse ; vous ne la refuserez pas à une vieille amitié qui sympathise si étroitement avec vos chagrins. À Lausanne, je prendrai mes dernières résolutions, c. à. d. des résolutions pour quelques semaines, quelques mois ; ce n’est pas la moindre des peines que de vivre toujours dans le doute, et d’user sa vie dans l’incertitude du lendemain.

Les papiers fois annoncent que leur héros est parti pour Genève. Je n’apprends pas que Juliette ait encore prit ce parti. Mais quel est l’établissement que va former son ami ? et de qui le compose-t-il ? son génie et sa femme ne lui suffisent pas. C’est sans doute à la campagne qu’il va le poser, on m’avoit parlé de Coppet ; cela n’appartient-il pas à la veuve d’Auguste ?

J’ai vu des arrivans de Vienne qui disent des merveilles de votre ami Marm., de ses habitudes avec un jeune homme de 20 ans, et de ses intimités avec un ministre de Po. Il y a là dedans plus de diplomatie que d’affection.

Adieu, chère et malheureuse amie ; quelque soit votre sort et le mien, je ne cesserai de vous aimer de la tendresse la plus fraternelle.