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v
Adrien de Montmorency, duc de Laval.
Monsures, 5 Sepbre.

Ma vieille amitié se sent très touchée, très émue des expressions singulièrement tendres et pénétrantes que je viens de lire dans votre lettre du 2. Vous accordez beaucoup d’intérêt et de pitié, à mes nouvelles douleurs. Cet excès de malheur, qui comble la mesures de mes misère, a remué en vous les souvenirs de notre intimité passée. Vous m’adressez de doux reproches que je suis très loin de mal recevoir.

Mais pourquoi ai-je été blessé ? c’est, pour ne rien dissimuler, que, depuis quelques années, notre amitié déjà si vieille, et si intime s’étoit encore resserrée par une confiance sans bornes de ma part. C’est que je vous aimois comme une sœur de mon choix ; c’est que je trouvois en vous, ma chère Adèle, une amie douée de raison, de jugement, de dévouement avec un charme infini dans le commerce de la vie ; il y avoit alors sympathie en toutes choses, en toutes circonstances, entre vous, et moi. Nous étions alors amis dans toute la perfection de ce sentiment.

Ainsi que nos parens nous avoient donné l’exemple de cette union inaltérable, cette seconde génération d’amis me sembloit réunir à la fois ce qu’il y avoit de plus solide, de plus doux et de plus honorable pour le cœur.

Qui donc a changé et bouleversé cet état de choses ? qui a formé de nouvelles amitiés, de nouveaux liens, qui a repoussé nos vieux souvenirs ? ce n’est pas moi. Vous avez raison lorsque vous dites qu’il ne faut pas rompre les vieilles liaisons