Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome III 1922.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

En outre des cercles dont je viens de parler, il y avait de fréquents et excellents concerts ainsi que de grands dîners, pas trop ennuyeux où on avait soin que les invitations fussent toujours suffisamment mélangées pour que toutes les opinions se trouvassent représentées et qu’il n’y eût repoussement pour aucune.

J’allais très souvent au Palais-Royal. Dans les jours ordinaires, les princesses et leurs dames travaillaient à une table ronde placée à l’extrémité de la galerie. Les enfants jouaient à l’autre bout. Monsieur le duc d’Orléans partageait son temps entre ces deux groupes et le billard. Dès que les enfants étaient couchés, il se rapprochait de la table, et on causait de tout fort librement et souvent d’une façon très amusante.

Monsieur le duc d’Orléans se tenait au courant de tout ce qui paraissait de nouveau soit dans les arts, soit dans les sciences. Les savants lui communiquaient leurs découvertes ; celles qui étaient de nature à intéresser les princesses étaient produites et démontrées au salon. Les artistes qui passaient y étaient entendus et y apportaient une variété qui le rendait fort agréable aux habitués.

La liste en était assez étendue pour qu’il y vint dans le cours de la soirée une trentaine de personnes, soit de celles pour qui la porte était toujours ouverte, soit de celles qui demandaient à faire leur cour et à qui on fixait un jour.

Monsieur le duc de Berry y venait parfois avec sa femme, et avait l’air de s’y plaire. Je ne le voyais plus que rarement. Dès la seconde Restauration, il avait cessé de faire des visites et, depuis son mariage, il n’allait dans le monde qu’aux grands bals où il accompagnait sa femme. Cependant, lorsque nous nous rencontrions, nos vieilles habitudes, d’une familiarité qui datait de l’enfance, nous remettaient facilement en intimité.