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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

destiné in petto à soutenir ces insoutenables mesures, avait été tenu dans la même ignorance.

Monsieur de Polignac s’était surpassé dans la profonde incapacité qu’il avait déployée dans toute cette circonstance. Presque tous les chefs de la garde royale étaient absents par congé, aussi bien que les autorités militaires de la ville de Paris ; et trois des régiments de la garde avaient été envoyés en Normandie, à l’occasion des troubles excités par les incendies dont j’ai fait mention.

Rien, en un mot, n’avait été prévu, ni préparé ; et on se jetait dans ces témérités sans précaution comme sans effroi. Le fait est que, dans leurs étroits cerveaux et ne vivant que sous l’influence de leur propre parti, ni le Roi, ni son ministère n’avaient prévu d’obstacles ; et ils ne s’étaient point armés pour une lutte qu’ils ne croyaient pas avoir à redouter. C’est l’explication et peut-être l’excuse de leur conduite. Ils pensaient répondre par les mesures qu’ils adaptaient aux intérêts moraux de la France et se flattaient d’être soutenus, dans cette pieuse entreprise, par une assez grande partie du pays pour que la poignée de factieux qui s’y opposeraient n’osât pas témoigner son ressentiment.

Hélas ! il s’est trouvé que c’était la nation toute entière. Je dis toute entière, car, dans les premiers temps, aucune voix, pas même au milieu de ceux qui ont suivi Charles x jusqu’à Cherbourg, n’a osé s’élever pour justifier les démarches qui l’avaient précipité dans cet abîme, et jamais souverain n’est tombé devant un assentiment plus unanime.