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LE PALAIS-ROYAL

marquants par leur existence politique, et il se proposait encore d’étendre le cercle de ses invitations. Lui-même aurait eu beaucoup à y gagner, car il avait assez d’esprit pour pouvoir profiter de la conversation et pour chercher à l’encourager. Il était stimulé dans ce projet par l’attitude du Palais-Royal.

Monsieur le duc d’Orléans avait affecté, plus que personne, de relever la tête au départ des alliés et de changer sa façon de vivre ; il était bien aise qu’on remarquât combien il respirait plus librement. Le premier mercredi de chaque mois, il recevait comme prince, mais non pas en habit de Cour. Il n’était porté, au Palais-Royal, que par les femmes présentées pour la première fois ; encore les en dispensait-on fréquemment.

On n’avait pas non plus, ainsi qu’aux Tuileries, inventé de séparer les hommes et les femmes, ni de nous faire défiler comme un troupeau, ou entrer en fournées, disciplinées par un huissier, pour obtenir le mot, ou le coup de tête qu’on nous accordait avec autant d’ennui que nous en avions à le recevoir.

Les salons du Palais-Royal, brillamment éclairés, étaient remplis de femmes magnifiquement parées, d’hommes chamarrés d’ordres et de broderies, qui circulaient librement. On s’y rencontrait ; on se réunissait aux gens de sa société. On attendait sans ennui la tournée des princes qui distribuaient leurs obligeances de la façon la plus gracieuse.

Les réceptions du Palais-Royal se trouvaient être de fort belles assemblées où on s’amusait et d’où l’on sortait content de sa soirée et des gens qui vous l’avaient procurée. Elles étaient très à la mode. J’ignore ce qui décida plus tard à y renoncer et à n’avoir plus qu’une seule réception princière le premier mercredi de l’année où il y avait une telle foule que c’était une corvée insupportable.