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PRISE D’ALGER

entendu tirer ce glorieux canon et avec si peu d’effet sur le citoyen, dans des occasions bien autrement importantes sous l’Empire que je fus très étonnée de la part personnelle prise par tout le monde à ce succès.

Chaque porte ou boutique était remplie des gens de la maison, et les passants s’arrêtaient sans se connaître pour exprimer leur satisfaction. Était-ce la désuétude où était tombé ce genre de bulletin chez nous qui lui donnait plus de prix, ou bien la fatigue des longues guerres de la Révolution et de l’Empire, les sacrifices qu’elles avaient coûtés à presque toutes les familles empêchaient-ils cet airain triomphant de frapper aussi directement sur le timbre de l’orgueil national ? Je ne sais. Mais il m’a semblé que la joie pour l’entrée dans Alger a été plus expressive que pour celle dans Vienne ou Berlin. Je ne parle que de mon impression, sans affirmer qu’elle soit exacte.

Le Roi voulut rendre grâce à Dieu du succès de ses armes. Un Te Deum solennel fut chanté à Notre-Dame. Charles x, arrivant dans toute la pompe de la royauté, y fut reçu et harangué par monsieur l’archevêque de Paris. Son discours, fidèlement répété dans le Moniteur, promettait au Roi l’appui de la sainte Vierge pour la croisade qu’il lui prêchait contre les infidèles de l’intérieur aussi bien que contre ceux d’Afrique.

Cet appel du parti prêtre au parti ultra eut un long et fatal retentissement et acheva d’exaspérer les esprits. Les paroles du prélat doivent être comptées au nombre des circonstances qui ont le plus immédiatement provoqué la résistance au gouvernement de Charles x.

L’événement du succès d’Alger, l’espoir d’exploiter la satisfaction que le pays en avait ressenti, peut-être aussi le désir de profiter de l’absence de madame la Dau-