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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

La prolongation du séjour des souverains napolitains, établis au palais de l’Élysée, commençait à gêner le Roi. Il voulait quitter Paris pour Saint-Cloud. Madame la Dauphine se chargea de leur demander le jour de leur départ, sous prétexte de fixer celui où elle se mettrait en route pour les eaux. Ils furent très blessés de cette façon de les éconduire, et en nommèrent un assez prochain.

Madame la Dauphine avait une excuse pour cette apparente inhospitalité. Son voyage était annoncé ; elle n’aurait pu que difficilement y renoncer, et elle voulait être de retour avant le moment où la réunion des Chambres pouvait être le signal des mesures extrêmes qu’elle combattait seule, mais avec persévérance. Il est étrange, mais pourtant exact, qu’elle avait complètement changé de rôle avec son mari. Plus il était devenu violent et exagéré dans le parti ultra, plus elle, en revanche, était modérée et sage.

Je n’ai pas été suffisamment initiée dans les secrets de cet intérieur pour savoir les motifs de ce revirement de conduite, mais très certainement, à cette époque, madame la Dauphine était contraire à toutes les mesures acerbes et monsieur le Dauphin y poussait. Madame la Dauphine n’avait aucune confiance dans le ministère Polignac ; monsieur le Dauphin n’espérait qu’en lui.

La princesse partit, emportant la promesse du Roi qu’aucune décision importante ne serait prise en son absence. Les ordonnances de Juillet ont prouvé comment elle a été tenue.

Mes affaires personnelles m’ayant amenée un matin à Paris, je me trouvai dans les rues au moment où le canon raconta aux habitants la prise d’Alger. Un long cri de joie s’éleva dans toute la ville. Je fus frappée de l’impression générale que je remarquai. J’avais tant