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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Il se passait depuis quelques mois une circonstance bien singulière et qui n’a jamais été expliquée. Nos provinces du nord étaient dévorées d’incendies. Le nombre s’en était tellement multiplié qu’il était impossible de les supposer accidentels et, d’ailleurs, la malveillance se prouvait dans la plupart. La terreur était au comble dans ces pays, et les paysans voyaient partout des incendiaires. Ce fléau gagnait de plus en plus et se rapprochait des environs de Paris. De pauvres bergers, des jeunes filles furent accusés et convaincus du crime d’incendie. Il était évident qu’ils avaient été séduits, fanatisés, mais par qui ? C’est ce qu’on n’a jamais pu découvrir. Les partis se sont mutuellement reproché d’avoir employé cette coupable manœuvre pour exalter les esprits. Je ne comprendrais pas dans quel but. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les faits étaient vrais et qu’ils n’ont pas été expliqués.

Les élections pour une nouvelle Chambre se faisaient dans un sens de plus en plus hostile au ministère. Les 221, qui avaient voté l’adresse, étaient tous réélus par acclamation, et, dans les autres collèges, les députés sortants étaient en assez grand nombre remplacés par les libéraux.

L’inquiétude commençait à gagner le cabinet et on attendait avec anxiété les nominations successives dont le courrier ou le télégraphe apportait la nouvelle. Lorsqu’il avait appris dans la journée un choix qui lui semblait favorable, le Roi donnait généralement pour mot d’ordre le nom de la ville où l’élection avait eu lieu, en l’accompagnant d’une épithète obligeante.

Le collège de Montauban nomma monsieur de Preissac qui avait voté la fameuse adresse. Mais la canaille de la ville, soulevée par quelques ultras, attaqua les électeurs, poursuivit monsieur de Preissac, força sa maison,