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OVATIONS À M. DE LAFAYETTE

tout ce qui pouvait témoigner son mécontentement que cette visite, toute naturelle, devint un événement politique. Le vétéran de la Révolution fut fêté à Vizille, puis à Grenoble, puis à Valence, puis à Lyon, puis enfin sur toute la route, et il fut reconduit à Paris d’ovation en ovation.

Monsieur de Lafayette n’était pas homme à faire défaut à cette gloire, lors même qu’elle aurait été plus populacière ; mais, il faut l’avouer, l’opposition, en ce moment, était recrutée de tout ce qu’il y avait de plus capable et de plus honorable dans le pays, et on saisissait avidement les occasions de le témoigner.

Naguère, la mort du général Foy, éloquent député de l’opposition, avait donné l’idée d’une souscription nationale en faveur de ses enfants, restés sans fortune. Monsieur Casimir Périer s’était inscrit le premier et la semaine n’était pas écoulée que le million projeté était rempli. Ce succès avait fait naître la pensée d’une autre souscription destinée à dédommager les personnes qui refuseraient de payer l’impôt illégalement établi. On prévoyait les coups d’État ; on ignorait de quelle nature ils seraient, et on se préparait à la résistance.

Soyons justes et convenons que, par là, on les provoquait, car je ne prétends pas défendre ces démonstrations. Elles étaient coupables ; il n’est pas permis de présumer que le pouvoir doit lui-même sortir de la ligne légale pour s’autoriser par avance à se soustraire aux lois ; mais, si jamais cela a été excusable, c’est dans cette circonstance. Les précédents des personnes investies de l’autorité du Roi donnaient le droit de soupçonner leurs intentions, et le langage de leurs organes, avoués et reconnus, prouvaient qu’ils n’en avaient pas changé.

Les congréganistes et les ultras entonnaient partout l’hymne de triomphe ; mais ils n’étaient pas complète-