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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Elle venait d’être très dangereusement malade, et la crainte de ne les point établir pendant sa vie s’était emparée d’elle. Qui n’a pas vu la désolation de tout le Palais-Royal pendant le danger de madame la duchesse d’Orléans ne peut s’en faire idée : mari, sœur, enfants, amis, serviteurs, valets, personne ne désemparait ; on osait à peine se regarder.

Monsieur le duc d’Orléans, si maître de lui ordinairement, avait complètement perdu la tête. Il ne pouvait dissimuler sa douleur, même au lit de sa femme, et venait pourtant toutes les cinq minutes faire explosion dans la salle attenante, adressant à tout le monde les questions qu’il faisait à chaque instant aux médecins et plus propres à les troubler qu’à les éclairer. Je n’ai jamais vu personne dans un état plus dissemblable de ses propres habitudes.

Madame la duchesse d’Orléans s’en apercevait, et n’était occupée qu’à le rassurer et à le calmer. Elle me disait, lors de sa convalescence : « Je priais bien le bon Dieu de me conserver pour ce cher ami ; mais je le remerciais aussi de me donner une occasion de voir combien je lui étais chère. » Elle aurait pu ajouter : et utile. Elle est, bien assurément, l’ange tutélaire de la maison d’Orléans.

Pendant que nos princes parcouraient le midi, réunis à leur famille napolitaine, dont la tournure et les équipages excitaient l’étonnement même de nos provinciaux les moins civilisés, un autre voyageur occupait bien davantage les cent bouches de la renommée, ou, pour parler moins poétiquement, les cent presses des journaux. Monsieur de Lafayette avait été voir sa petite-fille établie à Vizille, chez son beau-père, monsieur Augustin Périer.

L’opinion publique était tellement à la recherche de