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PROJET DE MARIAGE POUR LA PRINCESSE

habile prophète qu’un autre, mais je vivais avec des gens en dehors des illusions qui aveuglaient le duc de Laval et son parti. Tout citoyen français, assez libre avec lui pour ne pas craindre de l’offenser, lui aurait tenu le même langage.

Jamais catastrophe n’a été plus annoncée que celle à laquelle travaillait, avec tant de zèle le parti qui devait y succomber. Ce qu’il y a d’ineffable, c’est que, depuis la chute, c’est nous qui criions gare de toutes nos forces qu’il accuse de l’avoir poussé dans le précipice. C’est ainsi que se manifeste la justice des hommes ! C’est de cette conversation que date le refroidissement du duc de Laval pour moi. Le parti ultra est celui qui tolère le moins l’expression de la vérité.

Il était question du mariage de la princesse Louise d’Orléans avec le prince héréditaire de Naples. Les Orléans le désiraient vivement. Madame la Dauphine et madame la duchesse de Berry étaient entrées dans cette pensée, et le Roi n’en paraissait pas éloigné. Toutefois, au Palais-Royal, on accusait le duc de Blacas, alors ambassadeur à Naples, de ne pas mettre beaucoup de zèle à faire réussir cette négociation.

Les souverains napolitains, en conduisant eux-mêmes leur fille Christine, reine d’Espagne, à son époux Ferdinand vii, traversèrent le midi de la France. Madame la duchesse de Berry alla rejoindre son père, et la famille d’Orléans suivit son exemple.

Le Roi et la Reine témoignaient un grand désir de voir accomplir l’alliance souhaitée chez nous, mais ils dirent que le prince héréditaire s’y refusait. Il se rendait justice ; il ne méritait pas notre charmante princesse. Ce fut un coup très sensible pour madame la duchesse d’Orléans qui avait dès lors une grande passion de marier ses filles.