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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

courager aux folies qui se préparaient ; mais cette velléité d’absolutisme ne résista pas à l’accession du ministère Polignac. À dater de cette époque, le cœur du citoyen se retrouva battre sous le revers de l’uniforme.

Vers la même époque, monsieur de Chateaubriand avait inventé d’adresser au conclave un discours plein d’idées libérales et philosophiques qui avait singulièrement scandalisé le Sacré Collège et rendu sa position à Rome assez gauche. Le nouveau pape [Pie viii, successeur de] Léon xii, écrivit à Paris pour s’en plaindre ; et monsieur de Chateaubriand, sous prétexte de santé, revint en France.

Il avait toujours un vif désir de rentrer dans l’hôtel, alors vacant, des affaires étrangères ; mais le Roi le conservait pour un autre, et, hormis monsieur Hyde de Neuville, personne ne se souciait d’un collègue aussi absorbant que monsieur de Chateaubriand. Ne voyant aucun jour à réussir pour le moment, il se rendit aux eaux dans les Pyrénées.

Les jésuites, habiles à ces manœuvres temporisantes, avaient replié leurs voiles depuis les ordonnances de Juin rendues contre eux et qu’ils avaient consenties. Ils se cachaient dans l’ombre, mais n’en travaillaient pas moins activement. L’évêque de Beauvais (Feutrier), prélat vertueux et habile, signataire de ces ordonnances, leur avait inspiré une de ces haines claustrales qui ne pardonnent jamais, devant laquelle il a perdu successivement sa place et la vie.

On a beaucoup répété qu’il avait été empoisonné, mais je crois que cette expression doit se prendre au figuré : c’est en lui suscitant des tracasseries de toute espèce que sa vie a été tellement empoisonnée qu’il a succombé. Il est certain que, jeune et jouissant d’une santé florissante en 1829, il est mort dans le marasme au commencement