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CHARLES x ET NICOLAS ier

diait pas. Monsieur de Mortemart, flatté de sa popularité, voulut la justifier et se montra de plus en plus éloigné des extravagances où sa position sociale l’appelait à prendre part. Il renonça même à la vie de chasseur qu’il avait exclusivement menée depuis dix ans, et se montra plus souvent à la Chambre des pairs.

Nommé ambassadeur en Russie, il accompagna l’empereur Nicolas dans la première campagne de Turquie. Il y acquit plus d’estime personnelle qu’il n’en rapportait pour le talent et les goûts militaires de son impérial hôte. Celui-ci lui apparut comme se trouvant plus à l’aise sur une esplanade de revue que sur un champ de bataille, et l’absence qu’il fit pour aller voir l’Impératrice à Odessa, pendant le plus chaud du siège de Varna, ne fit que [peu] d’honneur à son audace.

Lorsqu’il était bien en confiance, monsieur de Mortemart attribuait les revers de la campagne à la présence de l’Empereur au camp et à son absence des combats qu’il ne se souciait jamais de laisser engager de bien près. Probablement Nicolas lui-même sentit qu’il nuisait au succès de ses troupes, car il se laissa assez facilement persuader de renoncer à faire la campagne suivante dont le résultat fut en effet plus favorable à ses armes.

La situation de la Russie était assez précaire à ce moment ; l’Autriche et l’Angleterre n’auraient pas mieux demandé que d’en profiter pour ébranler le colosse dont le poids les oppresse et leur apparaît en forme de cauchemar. Peut-être cela aurait-il été dans un intérêt européen bien entendu, mais nous n’avions, à vrai dire, pas de cabinet, et Pozzo eut l’habileté de faire entrer le roi Charles X personnellement dans la question russe.

Il établit une correspondance autographe entre les deux souverains, et le roi de France, flatté de protéger