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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

personne les démonstrations des habitants du pays qu’il traversait en triomphe.

Quelques petits souverains allemands vinrent lui faire leur cour à Strasbourg ; il se crut pour le moins Louis XIV.

Le ministère se traînait péniblement : il avait à combattre l’opposition de gauche et l’opposition de droite, composée des ultras, des congréganistes, des courtisans et, au fond, du Roi. Peut-être se serait-il soutenu, malgré ces obstacles, si tout ce qui désirait l’ordre, la tranquillité et le maintien des institutions s’était franchement appliqué à lui donner appui ; mais chacun voulait un peu plus ou un peu moins, blâmait, attaquait.

Le parti constitutionnel est essentiellement ergoteur. Il est composé d’individualités plus occupées à prouver leur capacité personnelle qu’à appuyer leurs chefs et, moyennant cela, on ne saurait moins gouvernementales. De sorte qu’en dernier résultat, le ministère n’étant complètement soutenu par aucun parti, peut-être faut-il s’étonner qu’il ait pu durer aussi longtemps. À la vérité, personne n’avait compris que sa chute entraînerait celle de la monarchie, car je crois que cette pensée aurait rallié bien du monde autour de lui.

Il était pourtant évident, pour les gens sages, que le ministère Martignac était de la couleur des ministères Richelieu, les seuls qui pussent faire vivre la Restauration, qu’il déplaisait mortellement au Roi et que, pour le soutenir contre l’influence de la couronne, ce n’était pas trop de toutes celles des Chambres.

Si tous les députés qui désiraient son maintien l’avaient hautement supporté, peut-être aurait-il pu retirer le vaisseau de l’État des écueils où monsieur de Villèle l’avait laissé engager. Mais ces regrets sont loin de nous. Seulement faut-il constater que nul n’est exempt de