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VOYAGE DU ROI EN ALSACE

J’ai réuni ce que je sais des motifs qui ont agi sur l’esprit de monsieur le Dauphin. Peut-être y en a-t-il que j’ignore. Quelques personnes ont cru que Nompère de Champagny, un de ses aides de camp, jeune homme distingué et congréganiste zélé qui sembla suivre les impressions de son prince, les avait influencées.

Peut-être aussi, les exigences toujours croissantes du parti libéral lui firent-elles croire qu’il renfermait un élément démagogique qu’il fallait prendre la peine d’exterminer pour n’en être pas victime, et parvint-on à lui persuader que le système des concessions ne servait qu’à le renforcer. J’ignore le fond de ses pensées, mais les résultats ne furent que trop évidents.

Le conseil militaire que monsieur le Dauphin présidait avait repris ses séances et, chaque jour, le maréchal Marmont nous répétait à quel point il y soutenait des thèses surannées et des prétentions insensées. Je me rappelais les éloges des années précédentes et j’avoue que j’accusais la mobilité du maréchal de ce changement de langage ; mais malheureusement, il ne fut pas seul à faire des remarques si fatales à notre tranquillité, et tous les rapports militaient à montrer monsieur le Dauphin enrôlé parmi les plus violents réactionnaires.

J’insiste sur cette circonstance, dont peut-être l’histoire fera peu d’état, parce qu’à mon sens c’est ce qui a éloigné toutes les espérances, exaspéré les esprits et poussé aux excès de part et d’autre.

Le Roi fit un voyage en Alsace dans l’été de 1828. Il y fut reçu merveilleusement, ce qui le charma. Tous les discours qui lui furent adressés vantaient surtout les ordonnances contre l’établissement des jésuites. Monsieur de Martignac prit la peine de le faire remarquer à chaque fois. Le Roi en conçut un peu plus de dégoût pour son ministre et n’attribua qu’à l’amour porté à sa