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NOMINATION DU BARON DE DAMAS

paroles, car, le bruit de cette nomination ayant circulé dans la camarilla, je sais que monsieur de Martignac en avait été averti par monsieur de Glandevès et qu’il lui avait répondu que cela était impossible parce que le conseil n’y consentirait jamais.

La niche du Roi eut un plein succès. Les ministres, n’ayant ni le temps de se réunir, ni celui de se concerter et d’adresser au Roi leurs remontrances en commun, aucun d’eux n’osa prendre sur lui d’arrêter la presse du Moniteur et la nomination y fut insérée. Le cabinet protesta ; mais son crédit reçut, dès lors, une atteinte dont il ne se releva plus.

Monsieur de Damas représentait la Congrégation incarnée. Il fut évident, pour tous, qu’il y avait au château une faction dont le crédit l’emportait sur celui des ministres et qui possédait la confiance du Roi. Monsieur le Dauphin détestait la Congrégation ; il faisait peu d’état de la personne de monsieur de Damas et aurait dû être contraire à sa nomination ; mais il s’était mis dans la tête que le choix du gouvernement de monsieur le duc de Bordeaux appartenait exclusivement au Roi et qu’en le lui refusant on le dépouillait du droit civil appartenant même à un particulier.

Un de ses aides de camp s’étant un jour, à déjeuner chez lui, aventuré à dire que l’éducation d’un enfant, dont la naissance avait été un événement national, devait être considérée comme une question gouvernementale, le prince entra dans une fureur dont lui-même fut promptement honteux, au point d’en faire excuse. Toutefois, il sentit plus tard combien ce choix de monsieur de Damas faisait un mauvais effet dans le pays et cela l’engagea à prêter les mains aux ordonnances qu’on fulmina contre les Jésuites et les petits séminaires.

Je n’entrerai pas dans le détail de ces grands événe-